L'infidélité est un phénomène à la fois courant et tabou : on la pratique mais on la tait ! Selon des études méthodologiques européennes et américaines, 20 à 30 % des hommes et 15 à 20 % des femmes auraient eu des relations sexuelles extraconjugales. Yvon Dallaire, dans ce texte bref mais fulgurant, mène une analyse fine et intelligente de l'infidélité : quelle est la réalité de l'infidélité ? A quoi reconnaît-on l'infidèle ? Quelles sont les idées préconçues portant sur ce phénomène ? Pourquoi devient-on infidèle ? Et à qui la faute ? Le couple peut-il survivre à l'infidélité ? Peut-on la prévenir ? C'est à toutes ces questions et bien d'autres que l'auteur donne réponse en agrémentant sa réflexion de témoignages, de questionnaires et de tests pour évaluer sa fidélité ou son infidélité ! Un texte bref qui fait le tour de la question. A lire absolument !
La réalité de l’infidélité
Pas facile d’avoir l’heure juste sur la prévalence de l’infidélité, étant donné le secret qui entoure cette activité. D’après certaines études méthodologiques faites en Europe, au Canada et aux Etats-Unis, entre 20 et 30 % des hommes et 15 à 20 % des femmes auraient eu des relations hors couples. Selon Shere Hite, aux Etats-Unis, 70 % des femmes mariées depuis au moins cinq ans et 72 % des hommes déclarent avoir été infidèles au moins une fois. La sociologue britannique Annette Lawson évalue l’infidélité féminine entre 50 à 60 %. Les sondages populaires commandés par des magazines à grand tirage ou certaines enquêtes non soumis à des critères rigoureux concluent qu’environ 50 % des gens mariés seraient infidèles à l’occasion ou à répétition, possiblement plus chez les conjoints de fait. Un sondage récent du Nouvel Observateur enregistrait en France seulement 20 % de femmes fidèles. Deux à trois couples sur quatre se retrouveraient donc, un jour ou l’autre, aux prises avec l’infidélité de l’un et/ou l’autre conjoint. Pourtant, lorsqu’interrogés, 95 % des gens affirment que la fidélité, définie comme une exclusivité sexuelle, est importante ou très importante pour l’harmonie conjugale.
Une équipe de chercheurs (1) a démontré que la façon dont l’infidélité était découverte ou dévoilée avait un impact sur le taux de divorce consécutif. Ce taux est de 43,5 % si le trompeur l’annonce lui-même, de 68 % si le dévoilement est fait par une tierce personne, de 83 % si le trompeur est pris en flagrant délit et de 86 % si le trompé l’apprend en questionnant l’infidèle. Les autres vivent difficilement la période qui suit. Ceux qui vont en thérapie s’en sortent mieux parce qu’ils comprennent pourquoi l’infidélité s’est infiltrée dans leur relation, bien que l’infidélité ne puisse jamais être thérapeutique en elle-même. Mais, tout comme les cardiaques, s’ils apportent des changements majeurs dans leur dynamique, ils peuvent même tirer des leçons importantes de l’infidélité. Pour moi, l’infidélité constitue un infarctus conjugal. La crise peut ne pas être fatale, mais le couple en reste marqué pour toujours.
« Accidentelle » du côté des hommes, l’infidélité serait plus calculée et réfléchie chez les femmes, prenant leurs aventures extraconjugales plus au sérieux psychologiquement et affectivement que les hommes qui n’y verraient que des histoires de sexe. C’est pourquoi les hommes seraient capables de mener de front une épouse et une amante (fantasme du harem) sans trop de remords de conscience, alors que les femmes, s’impliquant davantage dans leurs relations, se sentiraient plus coupables, non seulement face à leur conjoint, mais aussi face à leurs enfants et à l’entourage. Quoique l’infidélité ne soit plus un « délit » en Occident (la France considère les époux comme juridiquement égaux depuis 1975), la société semble toutefois encore aujourd’hui plus sévère envers l’adultère féminin. Les hommes, plus que les femmes, seraient davantage éprouvés devant l’infidélité de leur partenaire et auraient plus de difficulté à pardonner une infidélité sexuelle, tandis que les femmes pardonneraient difficilement une infidélité affective. Pourtant, les gens qui divorcent pour aller vivre avec l’Autre ont très peu de probabilités de former un couple à long terme, 8 à 10 % seulement y parviennent. Cette statistique appuie l’hypothèse que la personne infidèle ne construit pas une relation, mais consomme plutôt des sensations et des émotions amoureuses sans jamais s'engager.
Les enfants d’un parent infidèle augmentent leurs risques d’infidélité ; on parle alors d’infidélité « générationnelle ». Au milieu du siècle dernier, deux fois plus d’hommes que de femmes étaient infidèles ; mais depuis que les femmes sont arrivés sur le marché du travail, elles ont atteint l’égalité dans ce domaine et prennent même une certaine longueur d’avance selon certaines études, question de se prouver qu’elles sont bien « libérées ». L’infidélité sévit dans toutes les classes de la population. Près de 50 % des infidélités ont lieu avec un collègue de travail, le plus souvent à l’occasion de party de bureaux de fin d’année ou de 5 à 7 occasionnels.
Ceux et celles qui discutent explicitement de fidélité avant le mariage ont plus de chances de rester fidèles. L’intolérance à l’égard des relations extraconjugales est majoritaire parmi les couples récemment constitués, mais tend à s’atténuer avec le temps : plus de 40 %, après 15 ans de vie commune, croit que l’amour peut exister sans fidélité. Les membres d’un second mariage sont encore plus ouverts face à l’infidélité, du moins sur papier. L’infidélité se retrouve dans toutes les classes sociales et dans tous les pays, y compris les plus répressifs.
À peine 7 à 8 % des espèces animales seraient monogames, du moins le temps d’une saison, les oiseaux en étant le meilleur exemple. La fidélité ne semble donc pas inscrite dans la biologie. Cependant, 2 à 3 % des espèces font preuve d’une fidélité absolue : les loups et les castors s’accouplent pour la vie et les mâles y sont des modèles de paternité. Les manchots empereurs et les hippocampes seraient aussi à imiter. L’humain se situe entre les primates très polygames, tels les chimpanzés, et les très monogames, tels les gibbons. On pourrait déclarer l’humain comme un monogame en série et, selon Wright, « de type aventurier et porté vers la promiscuité à certains moments et dans certaines circonstances (2) ».
Au moment où le mouvement d’émancipation féminine atteint un apogée dans son objectif d’égalité, du moins en Occident, nous assistons paradoxalement à une hypersexualisation de la femme. Pourtant, l’une des revendications de ce mouvement était justement de désexualiser le corps de la femme. La presse féminine n’a jamais autant parlé de sexualité et particulièrement de sexualité génitale et les émissions radio et télé sur la sexualité sont animées par des femmes à 95 % : ce sont donc les valeurs féminines qui sont actuellement véhiculées par les médias. En parallèle, se développent de nombreux groupes d’entraide pour hommes axés sur la parole. Le désir sexuel de la femme coïncide avec un plus grand désir des hommes pour l’intimité. Amusant et intéressant.
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1 - Afifi, Falato et Weiner, Identity Concerns Following a Severe Relational Transgression, in Journal of Social and Personal Relationships, vol. 18, no 2 P. 291-308, 2001.
2 - Propos rapportés par Pierre Langis, Psychologie des relations humaines, Montréal, Bayard, p 279.
Yvon Dallaire, Psychologue
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