La thérapie des schémas, créée par le psychologue nord-américain Jeffrey Young à partir des années 1990, constitue aujourd’hui indéniablement un des corpus psychothérapeutiques majeurs des troubles de la personnalité. Young a d’abord été formé aux thérapies cognitives classiques par Albert Ellis et Aaron Beck, avant de construire une approche enrichie et originale, qui s’est inscrite fortement dan

s le mouvement de troisième vague des thérapies comportementales et cognitives (TCC). Ces méthodes placent l’émotion au cœur de l’évaluation psychopathologique et du processus de changement, comme le font par exemple les thérapies de pleine conscience ou la thérapie d’acceptation et d’engagement.
Les principaux concepts de la thérapie de Young sont : les schémas précoces inadaptés (alors que les schémas de Beck peuvent apparaître plus tardivement dans la vie), les stratégies précoces et les « modes » de fonctionnement séquellaires d’expériences précoces de non-satisfaction des besoins fondamentaux de l’enfant. Parmi une liste de 18 schémas, les plus souvent en cause dans les troubles de la personnalité sont les suivants : abandon/instabilité, méfiance/abus, manque affectif et imperfection/honte. Sous l’effet des événements de la vie, ces schémas sont activés et provoquent de fortes émotions négatives comme la honte, la tristesse, la colère ou la peur. Tous les schémas n’ont pas une origine traumatique, mais ils sont toujours destructifs et causés par des expériences nocives répétées régulièrement pendant l’enfance et l’adolescence.
En plus du modèle cognitif, la thérapie des schémas est fortement influencée par la théorie de l’attachement de John Bowlby, pour rendre compte des besoins affectifs fondamentaux de l’enfant, et par la notion de dissociation psychique décrite par Pierre Janet et considérée comme une des expressions ou des « modes » essentiels de la personnalité état-limite en conséquence des expériences traumatiques précoces. Mais, par ailleurs, certains concepts ne sont pas sans évoquer les mécanismes de défense, réactions transférentielles ou formations réactionnelles propres à la psychanalyse.
A la différence des méthodes psychodynamiques, la thérapie des schémas repose sur une analyse objective de la problématique psychique du patient, qui reste une hypothèse mais qui peut être partagée ouvertement avec le patient. Un plan de changement est ensuite établi, utilisant des ingrédients originaux ou empruntés également à d’autres approches psychothérapeutiques : visualisation et imagerie, reparentage, restructuration cognitive, technique de la chaise vide, etc. Certaines techniques s’inspirent aussi de l’EMDR ou encore de la Gestalt thérapie. Le but étant globalement de réduire des modes de fonctionnement délétère (« enfant vulnérable », « parent punitif », etc.) au bénéfice de modes plus adéquats (« adulte sain »).
Cette approche moderne et très riche des troubles de la personnalité est remarquablement décrite et explicitée dans cet ouvrage à la fois très complet et très didactique. Il repose sur les connaissances théoriques et cliniques de Bernard Pascal, qui avait préalablement traduit en français le premier ouvrage de référence de Jeffrey Young (Cognitive therapy for personality disorders : a schema-focused approach, 1990), mais aussi sur sa longue expérience pédagogique de cette approche à laquelle il a formé un grand nombre de thérapeutes francophones depuis des années. On y retrouve donc une description extensive du modèle de Young, puis un guide pratique d’accompagnement des prises en charge, richement illustré de cas cliniques et d’extraits de thérapie très utiles pour comprendre et mémoriser les techniques enseignées. Du fait de ces qualités pédagogiques et rédactionnelles, cet ouvrage constitue donc un guide essentiel de formation à la thérapie des schémas.
Antoine PELISSOLO HU Henri-Mondor, Créteil
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