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DIANOSTIC DE L’HYPERSENSIBILTE : MYTHE OU REALITE ? Décryptage Scientifique et Perspectives Psychopathologiques

Photo du rédacteur: Roux SandrineRoux Sandrine



L’hypersensibilité est un terme qui revient fréquemment dans les conversations autour de la psychologie et de la psychopathologie. Ce concept est souvent perçu comme une caractéristique innée, une sorte de "fragilité émotionnelle" qui permet de mieux comprendre certaines réactions ou comportements excessifs face aux émotions. Cependant, en creusant un peu, il devient évident que cette notion d’hypersensibilité est loin d’être aussi simple qu’on le croit.


1. Le Mythe de l’Hypersensibilité : Une Construction Sociale ?


De plus en plus, les psychologues et les chercheurs remettent en question l'existence de l’hypersensibilité en tant que trait psychologique stable. Au lieu d'être un phénomène biologique, l’hypersensibilité pourrait bien être une réponse émotionnelle conditionnée par des expériences de vie, des facteurs socioculturels ou encore des troubles sous-jacents.

Ce terme est souvent utilisé pour décrire des personnes dont les émotions sont perçues comme étant "exagérées" ou "intenses". Mais dans beaucoup de cas, ce sont en réalité des personnes qui vivent une anxiété excessive, des troubles de l’humeur ou des troubles de la personnalité non diagnostiqués. L’hypersensibilité, dans ce cadre, est une sorte de masque qui permet de justifier des comportements émotionnels extrêmes, mais sans s’attaquer aux causes profondes du problème.


2. Sensibilité Emotionnelle vs Hypersensibilité : Un Amalgame Dangereux


L'un des premiers problèmes avec ce concept d'hypersensibilité, c'est qu'il est souvent confondu avec la sensibilité émotionnelle. En réalité, être sensible aux émotions est un phénomène tout à fait normal et humain. Chacun réagit à des événements ou à des situations en fonction de son vécu et de ses propres mécanismes d’adaptation.

Mais l’hypersensibilité, telle qu'on la décrit, va au-delà d’une simple réponse émotionnelle. Elle est souvent caractérisée par une amplification des émotions de manière disproportionnée, ce qui peut rendre la gestion de la vie quotidienne plus complexe. Pourtant, cette amplification n’est pas nécessairement un trait stable ou universel. Elle peut simplement être le reflet de troubles émotionnels, comme l’anxiété généralisée ou la dépression.


3. L’Hypersensibilité : Un Diagnostic Qui Evite le Vrai Problème ?


Le problème avec le terme "hypersensibilité", c’est qu’il est trop flou et peut servir de bouc émissaire pour éviter de poser un vrai diagnostic. Plutôt que d’étiqueter quelqu’un comme étant "hypersensible", il serait plus pertinent de chercher les causes sous-jacentes des réactions émotionnelles extrêmes. Est-ce de l’anxiété ? Une dépression non traitée ? Un trouble de la personnalité ? Loin d’être une solution, l’étiquette "hypersensible" permet souvent de masquer ces problématiques plus complexes.

Les chercheurs ont démontré que l’anxiété généralisée, la dépression majeure, et les troubles de l’humeur peuvent se manifester par des réactions émotionnelles amplifiées. Les individus atteints de ces troubles peuvent éprouver des difficultés à réguler leurs émotions, ce qui peut être interprété à tort comme de l’hypersensibilité. Les troubles anxieux, en particulier, entraînent une réponse physiologique exagérée à des stimuli émotionnels ou sociaux, ce qui peut expliquer l'intensité des émotions perçues.


4. Le Danger des Étiquettes : Pourquoi Il Est Temps de Repenser le Terme


Une des plus grandes préoccupations concernant l'utilisation du terme "hypersensibilité" est qu'il devient une étiquette qui peut limiter l’individu. En se voyant comme "hypersensible", une personne peut finir par croire que ses émotions et ses réactions sont déviantes, alors que la réalité est souvent beaucoup plus nuancée.

Cela devient un cercle vicieux où la personne s’identifie à ce label et arrête d’explorer d'autres solutions thérapeutiques. Au lieu de chercher à comprendre pourquoi elle réagit de manière excessive, elle peut se concentrer sur son identité d’hypersensible, ce qui ne fait qu’aggraver la situation.

Le danger ici est que ce phénomène masque souvent des troubles sous-jacents comme les troubles anxieux ou dépressifs, sans en traiter la cause. En réduisant un problème complexe à une étiquette comme "hypersensible", on empêche la personne d’accéder à une prise en charge appropriée. Les approches thérapeutiques comme la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC), qui se concentre sur la régulation des émotions, sont des solutions plus adaptées pour traiter ces symptômes émotionnels exagérés.


5. L’Approche Scientifique : Une Autre Vision de l’Émotion


En réalité, l’hypersensibilité, telle que l’on en parle dans les médias, ne possède pas de fondement scientifique solide. Les réponses émotionnelles amplifiées peuvent être expliquées par des déséquilibres neurobiologiques ou des troubles cognitifs qui influencent la manière dont les stimuli sont perçus et traités par le cerveau.

Des études récentes suggèrent que ce que l’on appelle "hypersensibilité" pourrait en réalité être le résultat d’une hyperactivité des réseaux cérébraux impliqués dans la gestion des émotions. Par exemple, l’amygdale, une structure cérébrale clé dans la gestion de la peur et des émotions, peut être plus réactive chez certaines personnes, en particulier celles souffrant de troubles anxieux ou de dépression (Pizzagalli, 2011). Ce n'est pas une condition fixe, mais plutôt une réponse à des altérations dans les circuits émotionnels.

Les recherches montrent également que les personnes souffrant de troubles de l’humeur, comme la dépression majeure ou l’anxiété généralisée, ont souvent des troubles de la régulation émotionnelle. Elles peuvent interpréter les situations sociales ou émotionnelles de manière plus intense, conduisant à des réactions perçues comme excessives. Ce phénomène est expliqué par une altération des circuits cérébraux impliqués dans l’évaluation et la régulation des émotions (Joormann & Gotlib, 2010).


6. Une Gestion Alternative : La Régulation Émotionnelle Avant Tout


Plutôt que de recourir à des termes comme "hypersensible", il est plus efficace de s’intéresser à la régulation émotionnelle. En apprenant à gérer nos émotions de manière saine et adaptée, nous pouvons réduire l’intensité de nos réactions sans pour autant minimiser leur importance. Cela passe par des techniques de relaxation, de pleine conscience, mais aussi de thérapies comme la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC), qui aide à comprendre et à transformer les pensées qui alimentent nos émotions.

Les personnes souffrant de troubles anxieux ou dépressifs peuvent bénéficier de ces approches, qui visent à restaurer un équilibre émotionnel plutôt qu’à juger les émotions comme étant "excessives". L’important est d’accepter la nature humaine des émotions tout en apprenant à les gérer de façon adaptative.





Conclusion : L’Hypersensibilité, Une Illusion à Déconstruire


L’hypersensibilité n'est ni une fatalité, ni une condition immuable. Elle est souvent une construction qui sert à masquer des problématiques plus profondes. Au lieu de nous limiter à un simple étiquetage, il est essentiel de poser un diagnostic juste et de privilégier des approches thérapeutiques adaptées. Car au fond, nos émotions ne sont ni trop fortes, ni trop faibles : elles sont simplement humaines, et leur gestion peut être apprise.


Références Bibliographiques


  • Joormann, J., & Gotlib, I. H. (2010). Emotion regulation in depression: Relation to cognitive inhibition. Cognition & Emotion, 24(2), 281–298.

  • Pizzagalli, D. A. (2011). Frontocingulate dysfunction in depression: Implications for cognitive and neuroscience-based interventions. Journal of Clinical Psychology, 67(8), 723-729.

  • Aron, E. N. (1996). The Highly Sensitive Person: How to Thrive When the World Overwhelms You. Broadway Books.

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Sandrine Roux - Psychologue & Psychothérapeute

37 Rue Vendôme - 69006 Lyon

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